L’antiracisme, qui en réalité porte mal son nom, a souvent recours au storytelling.
Le plus souvent, des activistes endosseront séparément une narration stéréotypée façonnée de sorte à faire accroire au lecteur qu’il s’agit véritablement d’une histoire singulière. Des noms et des prénoms seront insérés dans les variables x, y, z intégrées à la structure du récit.
Pour illustrer notre propos, nous nous contenterons d’analyser un post publié sur LinkedIn qui selon nous représente du grand art en terme de storytelling manipulatoire.
Le récit commence par une confession :
« Je suis raciste »
[Traduction] Appel à l’émotion, à une forme d’empathie, à la curiosité…Mais qui est cette personne qui se met aussi bas. Qu’a-t-elle à nous dire. L’entame interpelle et invite le lecteur à poursuivre et à considérer que le post véhicule une histoire personnelle.
« Je me suis longtemps pensée comme non-raciste. Je pouvais dire des trucs du genre « je ne vois pas les couleurs ». Je disais black pour ne pas être offensante. J’avais un pote noir, d’autres arabes, asiatiques. Je n’avais pas le sentiment de porter un regard différent sur eux. »
« J’avais conscience du racisme, je le voyais partout, il me révoltait. Mais je ne le voyais en moi. »
[Traduction] : Nous avons tous de bonnes raisons pour nous représenter comme n’étant pas racistes « et pourtant »…
Le « Et pourtant » introduit l’idée qu’inconsciemment chacun se mentirais à soi-même.
« Je m’amusais des rares fois où mon chauffeur Uber s’appelait Jean ou Philippe tellement c’était rare.
Je riais aux blagues racistes de mes amis puisque quand c’est de l’humour entre gens de gauche ça va, c’est juste de l’humour.
Je trouvais mon pote Fred, originaire d’Haïti, un peu susceptible quand il s’étonnait que les gens lui demandaient d’où il venait.
D’ailleurs toute la bande de copains copines appelait Fred le « quota de noir » au lycée. Et ça le faisait marrer aussi. »
[Traduction] : Si moi-même qui intellectualise le non-racisme, qui a des amis noirs, arabes, asiatiques… qui voit du racisme partout, je ne vois pas mon propre racisme, c’est que vous, qui n’êtes même pas aussi « cool » que moi avec les noirs, les arabes… vous l’êtes nécessairement. Evidemment, les exemples ne correspondent en rien au vécu personnel de la narratrice.
Les failles épistémologiques dans cette narration que le lecteur, embarqué dans le registre émotionnel, ne peut détecter sont nombreuses :
- A titre préliminaire, on peut légitiment supposer que l’émetteur de ce texte n’a jamais vécu les expériences qu’elle décrit et n’a jamais adopté ces postures stéréotypées censées véhiculées une forme de racisme difficilement perceptible.
- Les éléments ci-dessus ne peuvent être qualifiés en soi de racisme.
- On ne parle pas ici de racisme, c’est-à-dire de la thèse selon laquelle la forme du visage et/ou la couleur de peau déterminerait le niveau d’intelligence ainsi que certains traits de caractère
- Les activismes de l’antiracisme ne combattent plus le racisme proprement dit mais n’acceptent pas qu’à une culture particulière puisse être attachée des traits de caractère, un rapport différent à la vie ou au réel ou une appétence particulière pour telle manière de penser.
- Il ne s’agit pas de lutte antiraciste mais d’un combat contre la perception de différences culturelles. Et pourtant dans le même temps, les activistes de l’antiracisme sont les premiers à militer pour la diversité culturelle.
- Lutte pour la diversité culturelle d’une part, et lutte pour que les différences de comportements, de visions du monde, d’attitudes face à la vie et au réel, qui résultent de cette diversité culturelle ne soient jamais remarquées.
- Remarquer même en son fort intérieur la réalité de certaines différences culturelles ferait du sujet capable de percevoir ces différences culturelles évidentes ou subtiles, un raciste
- En fait une telle théorie produit immanquablement une représentation erronée selon laquelle le racisme serait partout.
- La technique pour générer artificiellement la sensation erronée d’un racisme diffus consiste à produire une théorie normative donc non scientifique qui connote de fait même les expressions triviales en manifestation d’un racisme intériorisé.
« J’ai honte en écrivant ça. J’ai honte parce que c’est vrai. »
(Traduction] : En réalité cette personne utilise des scripts narratifs stéréotypés et non une partie de son vécu. Elle a recours à une petition de principe.
« J’ai honte parce que c’est vrai » dit-elle. Or ce n’est pas parce qu’elle a honte que cela est vrai. Elle ne prouve rien mais veut laisser penser qu’elle prouverait quelque chose.
Elle poursuit :
« Même quand on est éduquée, élue de gauche, qu’on fait des manifs pour l’égalité. Même quand on est racisé.e d’ailleurs. »
[Remarque] Au passage l’emploi de l’écriture inclusive révèle l’adhésion à un package idéologique.
« On s’indigne toujours de ce qui est socialement inacceptable, le racisme hostile : le « sale arabe » lancé dans la rue, le vieux gars qui traite un asiatique de « niakoué », le noir tabassé par la police. »
Mais on ne réagit pas quand c’est le racisme ordinaire qui parle :
- Les asiatiques sont plus sérieux
- Les noir.es ont le sens du rythme
- Les femmes qui portent le voile sont soumise.
[Traduction] : Ici l’activisme introduit l’idée que dehors du racisme manifeste il existerait une forme de racisme plus insidieuse.
L’activiste mentionne les mots « asiatiques », « noires »…se rattachant de prime abord à la race mais en réalité nous parle de culture. Elle considère en quelque sorte que la diversité culturelle que son mouvement encourage est une bonne chose à condition toutefois qu’elle ne soit pas perceptible par un observateur extérieur.
Ainsi la perception selon laquelle les asiatiques travaillent, économisent, sont laborieux, ne font pas de bruit, ne proviendrait pas de l’observation du réel mais de préjugés.
Un tel raisonnement est manipulatoire dans le sens où la cognition humaine est justement conçue pour relever les différences, les régularités, pour discriminer entre des couleurs, le chaud du froid, entre les émotions perceptibles, entre les comportements, les caractères.
Un cerveau normalement constitué perçoit la variété des comportements face à telle ou telle situation et est susceptible de percevoir que face à une même situation, parfois, une certaine immersion culturelle contribue à faire varier les comportements.
La manipulation peut ainsi se résumer ainsi : Toute perception d’une différence culturelle par une personne racisée ou non racisée devrait être considérer comme une forme de racisme.
On comprend que l’adoption de ce type de paradigme sert à produire l’idée que le racisme serait omniprésent.
En définitive, adopter ce paradigme revient à considérer que la culture n’aurait aucun impact sur les comportements sociaux.
L’activiste poursuit :
« Je suis sûre que vous avez déjà pensé ça, même furtivement. »
[Traduction] : Le « furtivement » sert à augmenter artificiellement la masse de ce type de pensées auxquelles l’activiste accole de manière artificielle le terme « racistes. »
Ainsi après avoir inventer une pensée « raciste » à partir d’une pensée qui en réalité n’est pas la traduction d’un quelconque « racisme », il s’agit désormais d’en augmenter artificiellement le volume.
Derrière cette opération, il y a l’application d’une technique qui consiste à créer une théorie ayant une apparence de scientificité mais qui n’est que normative, de sorte de créer à partir de cette théorie un langage d’observation spécifique apte à transformer des faits qui intrinsèquement ne pourraient pas être qualifiés de racistes, en faits censés révéler une forme de racisme.
L’activiste poursuit :
« Le racisme ordinaire est effrayant car il est intériorisé, tapi en chacun d’entre nous. »
[Traduction] : Ici en arrière-plan on trouve la notion d’inconscient ; Le racisme serait intériorisé et tapi, c’est-à-dire caché.
Ainsi le racisme dont nous serions tous porteur serait invisible.
« Mais on peut y faire quelque chose. » poursuit-elle.
« Pour ma part, les articles de XXX sur le racisme et sa formation racisme comment s’autodesinstoxiquer, ont été décisifs. Je vous invite vraiment à aller y découvrir son travail. »
[Traduction] : Ici le lecteur est invité à acheter une théorie ainsi que son langage d’observation censés permettre au sujet de découvrir qu’il serait nécessairement raciste.
« Prendre conscience de mon racisme et l’écrire ici c’est vraiment dur. »
[Traduction] : Prendre conscience du racisme que seul on serait incapable de déceler en soi serait vraiment dur. Il faudrait de la persévérance pour y parvenir et beaucoup d’intelligence et surtout chercher de l’aide pour pouvoir découvrir son propre racisme.
Il le lecteur est incité à accepter un challenge qu’il est incité à réussir.
« C’est une étape essentielle sur le chemin de ma déconstruction. »
« Parce que je ne veux plus que le racisme habite en moi. »
« Je ne veux plus avoir honte »
[Traduction] : Finalement le grand bénéfice de l’opération de conversion mentale serait de ne plus avoir honte. La personne qui se pensait non raciste et par conséquent ne ressentait pas de honte, est censée intérioriser un nouveau prisme apte à lui permettre de se représenter toutes ses interactions avec des personnes « racisées » comme teintées d’une forme de racisme insidieux, caché, qu’il convient absolument de débusquer pour pouvoir enfin ressentir la honte légitime.
L’étape ultime serait donc la « déconstruction » qui serait de nature d’expurger ce racisme invisible et à supprimer la honte générée par la cure de désintoxication et ainsi d’adhérer à la secte.
Notre brillante manipulatrice poursuit :
« Je veux être une alliée »
[Traduction] : Ici alliée signifie en quelque sorte « initiée », ce qui sous-entend qu’il y aurait ceux qui ne savent pas et ceux qui savent et peuvent intégrer la secte.
La dernière phrase est grandiose :
« PS : Pardon Fred et merci d’être resté mon ami. »
[Traduction] : Il s’agit ici de donner foi à l’idée que l’activiste ayant écrit ce post aurait réellement vécu toutes les péripéties figurant dans le narratif et que le narratif ne serait pas un script stéréotypé, mais une histoire personnelle, vraie et singulière.
Evidemment, la structure de cette narration fait appel à des scripts tellement étudiés et surtout tellement bien agencés, que ce récit parfaitement façonné ne peut être qu’un faux.
Au passage la narratrice renvoie à un site marchant qui propose moyennant rémunération une prestation d’aide à la déconstruction.
En conclusion, nous dirons quelques mots sur la notion de préjugé qui selon le narratif ci-dessus serait le résultat d’une forme de racisme.
En réalité un préjugé n’est qu’une catégorie de schèmes de pensée. Le cerveau produit sa reconstruction de la réalité qu’avec les briques cognitives et conceptuelles dont il dispose.
Il ne peut rien construire sans schèmes préexistants. La technique de l’activisme consiste à installer une théorie normative dans l’esprit de la cible.
Il s’agira d’implanter dans son cerveau un système de schèmes de pensée, destiné à orienter le rapport de l’individu à la réalité. Ainsi une fois ce prisme conceptuel subjectif greffé, le sujet sera conditionné pour voir du racisme dans toutes les représentations de ses interactions avec des personnes racisées.
La prétendue victime sera aussi visée par l’activiste qui tentera de loger dans sa cognition un logiciel qui une fois installé sera difficile à extraire. Il aura pour effet d’attacher à chaque émotion ressentie dans le cadre d’une interaction humaine, une cause qui sera artificiellement qualifiée d’une micro-agression raciste.
L’auteur présumé n’aura quant à lui aucun moyen de se disculper puisqu’on lui rétorquera que son racisme est subtile, invisible mais détectable qu’à travers l’émotion de la victime.
En résume l’activiste cherche à insérer dans l’esprit de sa cible des théories normatives faisant office de prisme déformant qui font voir la réalité d’une façon qui vient faire avancer son agenda politique.
Un militant de l’antiracisme voudra le plus souvent forcer le sujet à voir le monde comme il le voit, et violera la pensée de ses cibles pour y installer ses propres scripts stéréotypés.
Finalement ces théories visent à recycler des comportements normaux en comportements connotés comme racistes. Elles servent à armer les minorités dites « racisées » pour mettre la société sous pression et générer toujours plus de discrimination positive.